jeudi 27 octobre 2016

NAOWARAT PHONGPHAÏBOOL "RIEN QU'UN FREMISSEMENT"



Tous les gens qui s’intéressent à la poésie thaïlandaise connaissent
évidemment Naowarat Phongphaïbool qui est, avec Angkhan
Kanlayanaphong, l’un des deux plus grands poètes contemporains.
Si son œuvre a beaucoup évolué depuis ses premiers poèmes,
je n’oublie pas qu’il a été, dans les années 70, un auteur engagé
d’une grande qualité. Je vous livre ici la traduction du poème
qui lui a apporté la notoriété.


RIEN QU'UN FREMISSEMENT

                  Le flottement de l'aile d'un aigle dans les rais du soleil
                  Suffit pour atténuer la chaleur des cieux.
                  Le tremblement imperceptible d'une simple feuille
                  Annonce qu'aujourd'hui le vent va tourner.

                  Un seul scintillement sur des ondes brillantes
                  Montre que c'est là de l'eau et non un miroir.
                  Un seul reflet de crainte qui traverse un regard,
                  Fait savoir qu'un cœur bat dans cette poitrine.

                  Les chaînes qui ferment une porte et que l'on secoue
                  Amplifient les sourds gémissements de la misère.
                  Une lueur fugitive et lointaine
                  Suffit à s'assurer qu'il demeure un chemin.

                  Le poing bandé du boxeur, inondé de sueur,
                  Est impatient du combat où il excelle.
                  Le lutteur s'essouffle et, chaque fois qu'il tombe,
                  Il est bon qu'il ait connu le goût de l'affrontement.

                  Les doigts qu'on devine remuant faiblement
                  Font apparaître une force ignorée,
                  Telles les herbes jaillissant des rochers qu'elles éclatent,
                  Et dont l'honneur alors vient briller à nos yeux.

                  Quarante années de vide sur le pays entier,
                  Quarante millions d'hommes qui n'ont jamais bougé,
                  La terre devenue sable, le bois devenu pierre :
                  Les yeux comme les cœurs dorment et se sont éteints.

                  L'oiseau dans le ciel ne voit pas le ciel,
                  Le poisson dans les eaux ne sait pas voir les eaux,
                  Le ver de terre ignore ce qu'est la terre,
                  Et l'asticot n'a pas d'yeux pour voir la pourriture.

                  Ainsi, la corruption est certitude,
                  Se développant sur l'immobilité de toutes choses;
                  Mais un jour, de la vase en putréfaction
                  Jaillit, pour notre émoi, une fleur de lotus.

                  Et voilà qu'alors apparaît le mouvement,
                  Ce n'est plus que beauté, et non le Mal.
                  C'est peut-être encore sombre, encore trouble, encore flou,
                  Mais le commencement est alors commencé.

                  Quand vient résonner la cloche du temple,
                  On sait que le jour saint est revenu.
                   Quand dans la campagne vient résonner un coup de fusil,
                  On sait que le peuple arrachera la victoire.

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