Tous les gens qui s’intéressent à la poésie
thaïlandaise connaissent
évidemment Naowarat Phongphaïbool qui est, avec
Angkhan
Kanlayanaphong, l’un des deux plus grands poètes contemporains.
Si son œuvre
a beaucoup évolué depuis ses premiers poèmes,
je n’oublie pas qu’il a été, dans
les années 70, un auteur engagé
d’une grande qualité. Je vous livre ici la
traduction du poème
qui lui a apporté la notoriété.
RIEN QU'UN FREMISSEMENT
Le
flottement de l'aile d'un aigle dans les rais du soleil
Suffit
pour atténuer la chaleur des cieux.
Le
tremblement imperceptible d'une simple feuille
Annonce
qu'aujourd'hui le vent va tourner.
Un
seul scintillement sur des ondes brillantes
Montre
que c'est là de l'eau et non un miroir.
Un
seul reflet de crainte qui traverse un regard,
Fait
savoir qu'un cœur bat dans cette poitrine.
Les
chaînes qui ferment une porte et que l'on secoue
Amplifient
les sourds gémissements de la misère.
Une
lueur fugitive et lointaine
Suffit
à s'assurer qu'il demeure un chemin.
Le
poing bandé du boxeur, inondé de sueur,
Est
impatient du combat où il excelle.
Le
lutteur s'essouffle et, chaque fois qu'il tombe,
Il
est bon qu'il ait connu le goût de l'affrontement.
Les
doigts qu'on devine remuant faiblement
Font
apparaître une force ignorée,
Telles
les herbes jaillissant des rochers qu'elles éclatent,
Et
dont l'honneur alors vient briller à nos yeux.
Quarante
années de vide sur le pays entier,
Quarante
millions d'hommes qui n'ont jamais bougé,
La
terre devenue sable, le bois devenu pierre :
Les
yeux comme les cœurs dorment et se sont éteints.
L'oiseau
dans le ciel ne voit pas le ciel,
Le
poisson dans les eaux ne sait pas voir les eaux,
Le
ver de terre ignore ce qu'est la terre,
Et
l'asticot n'a pas d'yeux pour voir la pourriture.
Ainsi,
la corruption est certitude,
Se
développant sur l'immobilité de toutes choses;
Mais
un jour, de la vase en putréfaction
Jaillit,
pour notre émoi, une fleur de lotus.
Et
voilà qu'alors apparaît le mouvement,
Ce
n'est plus que beauté, et non le Mal.
C'est
peut-être encore sombre, encore trouble, encore flou,
Mais
le commencement est alors commencé.
Quand
vient résonner la cloche du temple,
On
sait que le jour saint est revenu.
Quand
dans la campagne vient résonner un coup de fusil,
On
sait que le peuple arrachera la victoire.
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